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Extrait 3 de Damnée empreinte

Mon ami Douxe a sa petite idée. Il enquête. C'est un fin limier, vous savez, un pro.

     Habituellement, la salle d'attente était calme. Un à un, les clients restaient silencieux, les yeux sur une revue qu'ils feuilletaient, s'intéressant rarement aux articles longs, faute de temps. Ils parcouraient ainsi rapidement plusieurs mensuels à la manière des enfants qui ne savent pas encore lire et tournent les pages sans en retenir leur contenu. Peu engageaient la conversation avec David, toujours occupé à classer ses papiers. De rares fois, des personnes âgées, sitôt assises, se laissaient aller à la somnolence et devaient se ressaisir pour ne pas plonger dans le sommeil. Certains, ne pouvant lutter étaient réveillés quand venait leur tour. Aujourd'hui, la salle d'attente était pleine, quatre personnes. Le climat n'était plus le même. Ils se mirent à parler. Il y avait là, Bruno, un jeune étudiant, très actif au Moulin, le père Chevillot et sa femme, inséparables et Maxime Fretain. Le couple Chevillot, habitué depuis cinquante ans à fonctionner à l'unisson ne faisait quasiment qu'un seul être, des Siamois qui seraient unis par le même cerveau. Lequel des deux manipulait l'autre ? Bien malin qui pourrait répondre. Gisèle engagea la conversation avec Maxime. Ils parlèrent de leurs enfants et par déduction des petits enfants. Maxime était fier de sa petite fille, Joanna, sept ans. Il en parlait comme d'un être d'exception. Elle était intelligente, jolie, ambitieuse. Elle avait une passion. Elle rêvait de participer aux Jeux olympiques. Pour ce, ses parents allaient l'inscrire dans un club de sport. Antoine approuva ce choix en ajoutant que l'association du Moulin pouvait lui apporter beaucoup. Maxime eut une grimace de dégoût. Jamais ! Jamais sa petite-fille ne mettrait les pieds au Moulin. Il baissa la tête et comme pour se parler à lui-même, il confessa que les confidences qu'il avait reçues ne l'encourageaient pas à inscrire Joanna dans un club du Moulin. Cette bande, disait-il devait tôt ou tard finir derrière les barreaux. Bruno lança à David un regard amusé. Monsieur et madame Chevillot crurent bon de lui signaler que Philippe, le dentiste chez qui ils étaient en était le vice-président. Oui, il savait. Il regrettait qu'un homme de si bonne réputation ait su si mal choisir ses amis.

       - Vous le connaissez, ce David ?

      - Non. De nom seulement. Mais je n'ai nullement envie de faire sa connaissance. Pensez donc, il revient au pays, achète une propriété... Il faut avoir les poches pleines pour se permettre cette folie non ? C'est encore un jeunot. Alors, l'honnêteté dans ces cas-là ? J'y crois pas. La preuve, ces lettres anonymes qui arrivent fréquemment. Mon ami Douxe a sa petite idée. Il enquête. C'est un fin limier, vous savez, un pro. C'est encore une histoire qui fera la une des journaux. Souvenez-vous de ce que je vous dis trafic quelconque, drogue, proxénétisme ou quelque chose dans ce genre. C'est sûr. Je plains ses parents. Je parie qu'ils ne se posent même pas la question à moins que... Non, vraiment. Je ne tiens pas à ce que ma petite-fille vienne perdre son temps ici. Il y a des endroits plus fréquentables si elle veut faire une carrière sportive et artistique. Philippe ouvrit la porte de la salle d'attente.

      - Le suivant s'il vous plaît. Monsieur Maxime Frontain, je crois. Maxime se leva et le suivit. Monsieur et madame Chevillot continuèrent de parler à voix basse. Dix minutes plus tard, Jeannie et Claire vinrent dire à David qu'elles allaient chercher les enfants à l'école. Elles iraient ensuite au Moulin et le tiendraient au courant de l'avancée des travaux. En partant, elles dirent :

        - Au revoir David. Gisèle Chevillot en resta sans voix. Elle scruta David qui de toute évidence était celui dont parlait Maxime il y a quelques instants. Elle regarda son mari et lui chuchota quelque chose. Ils se levèrent, sans rien dire et sortirent discrètement. Bruno et David rirent de leur surprise.

       - Ce que c'est que la jalousie ! Dit Bruno.

       - Oui. S'ils savaient comme je suis fauché et me suis endetté pour obtenir ce Moulin !

       - On n'empêchera jamais les gens de parler.

       - Non, mais Philippe a perdu deux clients.

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